Chapitre 1Nethrym
Bon, je sais bien que c'est pas le moral à bord et que je devrais essayer de montrer un sourire à tout le monde. Mais là, quand je me regarde dans le miroir, je ne vois qu'une tronche sérieuse, voir irritée. Autant dire que je ne joue pas mon rôle, non ?
J'ai pas trop l'habitude de suivre les ordres et je dois dire que ça me mine un peu d'en recevoir que je ne peux résolument pas ignorer. Je sais, je sais ce que tu vas me dire : « Fallait pas jurer allégeance à un roi ». Eh ben si t'as que ça à dire, je te prierais de foutre le camps de ma tête. J'ai pas envie, non plus, qu'on me reproche mes décisions.
Sans l'aide de ce roi, je ne serais jamais devenue pirate, je n'aurais jamais eu de navire et des chevaliers auraient finis par décimer ma pauvre équipe de brigand. Alors qu'avec ma décision, qu'est-ce que j'ai gagné hein ? Mon nom fait trembler les mers et a parcouru les terres, j'ai rencontré des légendes vivantes, j'en ai coulée d'autres, j'en suis peut-être même devenue une ! J'ai amassé des richesses comme jamais j'aurais pu espérer en voir du temps où je vivais à Akeraï. Et qui plus est, je suis en train de faire bâtir une forteresse sur une Archipel qui deviendra mon domaine. Alors, ça te fait la boucler hein ?
Enfin, ça te ferait la boucler si on ne m'avait pas demandé de participer à cette guerre. C'est sûr que tout ce que j'ai fait aura servit à rien si on meurt tous dans cette putain de guerre. Ben oui, voilà ce qu'il attendait moi le ptit gros sur son trône. Il voulait que je devienne puissante pour faire pencher la balance. Je m'en doutais un peu.. mais j'espérais pas que ça vienne si tôt.
Où on en est maintenant ? Franchement, j'ai pas la moindre petite idée des circonstances politiques du continent. Tout ce que j'ai compris c'est : « Akeraï et tout ce qu'elle a ramassé contre Feïral et tout ceux qui voudront bien l'aider ». Ouais c'est maigre. D'habitude j'attaque des navires sur un coup de tête, j'ai pas trop à me poser des questions. J'ai des pirates méchants et cruels, ils ont des marins gentils mais pas de taille, j'ai de la poudre et des boulets, s'ils ont des arcs c'est déjà pas mal de leur côté.
Alors que là.. Je sais pas ce qu'ils ont, mais sûrement plus que moi puisqu'on va devoir mener ce combat sur la terre ferme. Mes pirates ne seront pas en surnombres, ne connaîtront pas le terrain, ne seront pas plus expérimentés que leurs adversaires.. bref, on va servir de chair à canon.. ah tient, c'est ironique ça non ?
Pas un sourire. Je serais dans leurs rangs, évidemment. Jamais un pirate ne suivra son capitaine si celui-ci n'a pas les couilles d'y aller.
Je veux pas.. Pourquoi je ferais pas comme Jack ? Il a clairement dit qu'il aiderait pas Akeraï et personne le fait chier. M'enfin, y paraît que ce type parcourt les mers depuis plus d'un siècle et qu'il a toujours envoyé chier Akeraï.. et puis il leur a jamais juré fidélité ni ne leur doit de navires.
Et si je trahissais ma parole ? Ma réputation en prendrait un coup.. et puis, vu tout les capitaines qui participent à cet assaut, on va me traiter de lâche si je me rebiffe.
Hey mais.. pourquoi je fais ma pucelle tombée dans un bordel là ? Qu'est-ce que j'en ai à foutre de l'adversaire ? J'ai qu'à rentrer dans le tas comme d'habitude ! J'ai mon Orc avec moi, c'est pas comme si il pouvait m'arriver un truc.
Je me berce avec cette illusion jusqu'à retrouver mon beau visage téméraire. Bien, on va jouer la carte de la chance. Elle ne m'a jamais trahie, elle ne me trahira pas aujourd'hui.
Ragaillardie je range mon sabre et mes pistolets à leurs places respectives. Je me demande si deux balles suffiront dans cette bataille, mais je n'ai pas le temps de me refaire des inquiétudes. De toute façon je n'ai pas de place pour plus de pistolets et je ne pense pas avoir le temps de recharger une fois la bataille commencée.
Je pose mon tricorne sur ma jolie petite tête et m'accorde le plus beau sourire que j'ai jamais pu faire. Tu es belle ma jolie ! Aucune chance qu'un de ces bouseux ose te faire la moindre cicatrice.
C'est bon, je peux monter sur le pont.
Je vous épargne mon discours. Dans l'état actuel il a dû se résumer à des idioties sur le fait que les hommes qui connaissent la mers sont forcément les plus forts, parce qu'ils ont du poil partout et de grosses.. bref, mes gars sont fiers et ils attendent avec impatience de débarquer. Ça risque de ne pas tarder, voilà trois jours que les navires pirates ont jetés l'ancre et que leurs canons pointent sur les terres. En fait, plus j'y regarde et plus je trouve que c'est un sacré foutoir. D'accord, ce fleuve est large et profond. Mais lui faire remonter tout ces navires pour qu'ils se transforment en muraille de bois et de canons.. c'est juste une idée complètement folle. Mais sacrément efficace. Ni Feïral, ni les chevaliers n'osent s'approcher alors que leur ennemi juré se trouve juste de l’autre côté de ce fleuve, amassant ses troupes et préparant de sinistres plans.
Enfin.. cette situation ne durera pas indéfiniment. Tôt ou tard, Feïral fera venir des balistes, voir des canons s'ils ont réussis à s'en procurer auprès de Sipheaï. C'est pourquoi on nous a ordonné d'attaquer le campement ennemi, même si nous allons devoir quitter la protection de nos canons pour ça. Bien sûr, ce ne sont pas que les pirates qui vont attaquer.. on se cacherait pas sur des navires si on pouvait le faire. On va servir d'appâts. Apparemment, les Orcs recrutés par Akeraï on contourné le front par le désert et vont s'abattre dans le dos de l'ennemi pendant que celui-ci se concentrera sur nous.
Pour faire simple nous on est à gauche sur la carte. Le campement il est au milieu et les Orcs y sont en bas. Nous quittons nos navire en laissant des hommes pour tenir les canons et on fonce sur le campement. L'armée ennemie s'interpose avec la joie de pouvoir nous massacrer. Les Orcs attaquent à ce moment là, pas l'armée ennemie, le campement. L'armée ennemi ne sait plus si elle doit se retourner ou poursuivre l'assaut sur les pirates, petit temps d'hésitation bordélique. Les pirates rentrent dans le tas avec un léger avantage et forcent l'ennemi à garder leurs positions sur le front. Les Orcs, qui devraient pas perdre trop de temps à dégommer un campement démuni de son armée, tombent par derrière sur l'armée ennemie. Les pirates, qui font pas vraiment le poids, battent en retraite avant de subir des pertes (là je suis sceptique, on devrait ptet dire « trop de pertes »). Désorganisée, sans réelle possibilité de replis et dans l'incapacité de repositionner les escouades clés, l'armée ennemis sera à la merci des Orcs, qui pourront massacrer leur arrière garde. Les cavaliers, qui sont parfaits pour éliminer les fuyards, seront sûrement tenté de poursuivre les pirates et finiront par entrer à porté de canon, ou se retourneront et seront gênés par leurs propres troupes. Enfin, les infanteries, souvent les faibles qui n'ont jamais voulu participer à une guerre, feront sans doute n'importe quoi.. mais entre Orcs et canons, je pense qu'on aura de quoi les recevoir. Sur le papier c'est parfait.
Le papier n'est pas assez tâché de sang pour que je lui fasse confiance, mais les pirates ont le beau rôle dans l'affaire. On frappe puis on détale la queue entre les jambes. Ce n'est pas très loin de nos tactiques habituelles. En somme, la plupart d'entre nous devraient revenir en vie.
Et puis.. il y a l'or. Les sommes qui ont été promises sont les principales raisons de la présence de beaucoup de nos navires. Les jeunes équipages et les équipages fauchés ont presque tous répondus présent. Pour ma part, c'est surtout cette fichue allégeance qui me garde ici, mais j'en serais libérée à la fin de cette bataille. Deux autres Seigneurs pirates sont présents, notamment Greg le féroce. Ce type est sans doute venu juste pour faire honneur à son nom. Qu'importe au fond ?
Mon équipe se compose d'un joyeux mélange, des jeunes et vieux membres de mes différents équipages. Mes capitaines, que je considère un peu comme mes braves chevaliers, restent à leurs bords. Il est trop dur d'en trouver des bons en qui je puisse avoir confiance. Et puis, je préfère être la seule autorité incontestée sur ce champs de bataille. Dargal m'accompagne bien sûr. C'est de loin l'arme la plus puissante et la plus expérimenté dans ce genre de baston. Lyra.. reste sur mon navire.
Je t'arrête tout de suite ! C'est pas que j'tiens à elle ou autre ! C'est juste que j'ai de grands projets pour elle et que je comptais la mettre au commandement d'un navire prochainement. Prendre le risque de la perdre dans cette guerre, c'est risquer un gros gros investissement. Évidemment, Howell et Wyl restent aussi. Ils sont loin d'être adaptés à ce genre de bataille. Le sorcier que j'ai dégotté dans le marais d'Akeraï aussi. C'est pas un physique malgré ce que sa race laisse penser.
En gros, j'ai une sacré une équipe, mais presque tous les membres que j'ai pris en affection ont été mis de côté. Tu vois ? C'est mon égoïsme qui m'empêche de me séparer de mes chouchous. De toute façon, personne n'y trouvera rien à redire, parce que je suis la capitaine et la Seigneur corsaire de chacun de ces navires. En gros, j'engage, je décide et je tue comme il me plaît, n'importe lequel des gars de ces équipages.
Les autres navires alignent chacun leur nombre d'hommes. Ce qui est intéressant à remarquer, c'est que plus les équipages ont eut du vécu, moins ils semblent avoir peur pour la mêlé à venir. Pourtant, je doute que beaucoup d'entre eux aient déjà vécus une bataille. Mais ptet qu'il faut être une femme intelligente pour penser à ce genre de détails ?
Je préfère ne plus y penser et je m'adosse contre mon beau gros Orc adoré pour patienter. Greg doit annoncer le début de l'assaut. Il a été nommé intermédiaire du Roi lorsque j'ai décliné ce rôle. C'était un coup à recevoir les ordres directement de cette raclure, plutôt me tirer une balle dans l'tricorne.
Ce que le temps peut être long quand il n'est pas nôtre..
Des hurlements sauvages s'élèvent au loin, près du navire de Greg. Ils trouvent des échos dans les équipages alentours et cette vague de clameurs se propage jusqu'à nous. Mes hommes me regardent comme s'ils attendaient ma permission. Oh qu'ils sont bien dressés ! Je les aime tous, je pense, pour cette crainte mêlée de confiance qu'ils me portent. Je les aime tellement que je n'ai pas envie d'en perdre un seul dans une guerre qui n'est pas mienne et que j'ai envie de leur dire de remonter dans le navire et de plier bagage.
Mais ça me ferait perdre la face.
Je tire mon sabre et je hurle à mon tour. Dargal lève sa hache et couvre ma voix avec un rugissement qui dû faire trembler la terre et frémir l'eau du fleuve. Nos hommes se déchaînent à leur tour. Après avoir épuisé nos poumons et abandonné la plus simple notion de danger, nous avançons vers le campement ennemi.
C'est un peu loin cependant. C'est bien Greg ça, il chauffe ses troupes bien fort et après seulement il se dit qu'on n’est pas encore dans la baston. Pour éviter que mes hommes s'ennuient je botte le cul de l'un et lui demande s'il se souvient de ma chanson. Il prend un air indigné, m'accuse de le prendre pour un demeuré et assure que non seulement il la connaît mais qu'il pourrait lui ajouter dix couplets qu'il a recueilli dans diverses tavernes au cours de ses beuveries. Dix, voulait-il me faire croire ? Eh ben qu'il les chante dans ce cas, qu'il me chante toute la chanson et dix couplets s'il en est capable.
Les hommes n'ont rien loupé de l'échange et ricanent et s'esclaffent et défient et sifflent. Le bon gars se dépite pas le moins du monde et commence à chanter, haut et fort pour que pas un de mes braillards puisse douter qu'il en a de belles grosses dans son froc. Pour l'encourager, tous ont chanté avec lui les premiers couplets. C'était un petit carnage mais c'était joyeux. On oublierait presque qu'on va au casse-pipe.
Alors qu'il ajoutait ses couplets et que plus personne ne pouvait le suivre, on pu entendre que les équipages autour s'étaient aussi mis à chanter, comme s'ils voulaient jouer à qui à la plus grosse voix. Certains avaient des chants sur leurs propres navires ou capitaines. D'autres chantaient juste pour pas être laissés en reste. Bien sûr, mon équipage ne pouvait pas avoir la plus petite voix, alors ils se sont mis à re-brailler la chanson sans plus s'intéresser aux couplets supplémentaires de leur compagnon.
Au moins, ils se refroidiront pas. Je ferai payer ce service à Greg.
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On arrive finalement à portée de vue du campement ennemi. Ce sont principalement des tentes et quelques constructions en bois qui doivent faire office de tour de guet je pense. Je ne doute pas un instant qu'il nous aient vu venir puisque leurs troupes sont déjà presque formées. Bien qu'ils n'aient pas finis de s'organiser je me sens un peu mal à l'aise en les voyant former des rangs, lever des lances, dresser des boucliers.. Toutes ces choses que nous n'avons pas fait ou n'avons tout simplement pas.
On dirait vraiment qu'on se jette à l'abattoir. Vont-ils vraiment croire que l'on va rentrer dans le tas sans aucune arrière pensée ? Ils sont plus nombreux, mieux équipés, mieux préparés.. Nous pensent-ils vraiment assez débiles pour ça ?
J'en doute fortement, sinon ils avanceraient sûrement déjà. Je regarde autour de moi, mes gaillards qui n'ont pas la moindre organisation. Comment on pourrait seulement en avoir une ? J'attrape le bras de Dargal pour qu'il penche sa trop haute tête vers moi et lui demande à l'oreille.
-Tu penses pas qu'on devrait aussi former des rangs ?
Il éclate de son bon rire gras que je lui connais depuis toute petite. Suis-je bête.. certes il a le plus de connaissances guerrières de toute cette armée de pirate, mais jamais, ô grand jamais, les Orcs ne se sont embêtés avec une quelconque organisation. Eh ben on le fera pas plus ! On va taper dans le tas, c'est notre boulot ! Et pis, nous on a le pouvoir de la poudre. C'est pas comme si on avait marchandé que des canons avec Sipheaï. Nos mousquets et pistolets sont suffisamment menaçant pour forcer les troupes ennemies à bouger.
Des voix hurlent d'un bout à l'autre de nos rangs. On savait pas trop comment se passer les ordres, alors on s'est mis d'accord pour les propager à la voix. Chaque équipage a son hurleur qui doit répéter ce que les autres ont dit. En général on l'entend plusieurs fois. Normal, nos équipages sont rarement assez nombreux pour couvrir la distance d'une voix en se tenant par la main. D'ailleurs, nos équipages ne se tiennent généralement pas par la main.
L'ordre est simple : « On avance à portée »
Bien que notre pas n'ait pas vraiment changé, j'ai l'impression que la tension monte. C'est pas comme si les choses commençaient pourtant. Deux armées qui se jaugent et qui prennent position, c'est loin de ressembler à un abordage. Si seulement on avait démonté des canons.. mais c'était prendre le risque que l'ennemi s'en empare... et surtout transporter les pièces et les munitions nous auraient trop ralenti pour le plan qu'on doit suivre.
Putain, la mer est bien plus simple que ces intrigues guerrières..
-Cavalerie qui approche par le flanc droit !
L'information est redistribuée, mais c'est pas comme si on attendait une réponse. Y a pas de stratège chez les pirates, tout simplement parce que même en guerre, c'est du chacun pour sa peau. Manque de bol, le flanc droit j'suis dedans. Pas en extrémité, mais on devra forcément se préoccuper de cette fameuse cavalerie.
-Cavalerie par flanc gauche!
Sérieusement ? Ils ont combien de canassons ? Bah, on sera tous dans la même merde. Le tout c'est de faire le boulot, à savoir attirer l'ennemi hors du camps. A ce que j'ai compris, les tactiques d'usages de Feïral s'ouvrent sur des assauts dévastateurs de leur cavalerie, puis par l'assaut de leur fantassins pour finir le boulot. Et leurs archers ? Je suppose qu'ils ont abandonné l'idée de battre la porté de nos mousquets et qu'ils veulent nous prendre au corps à corps au plus vite.
-Dargal, tu prends nos meilleurs gabiers et tu me repousses cette cavalerie. Tu penses pouvoir le faire ?
Il pose son immense hache sur sa grosse épaule musclée. Je ne douterais jamais de cette force de la nature. Dire qu'une armée de gars comme lui va venir nous soutenir.. je me demande s'ils ont seulement besoin de nous pour prendre ce campement.
-J'attendais que ça Cap'tain.
Il s'en va en entraînant une partie de nos hommes. Il ne me reste que les nouveaux et les moucheurs. Les plus frêles mais tant mieux, nous ne serons pas les premiers exposés. Je ne vois pas beaucoup d'autres équipages diviser leurs troupes et je leur en veux profondément. Ils devraient savoir que si les extrémités tombent ils seront les prochains. Mais bon, fallait pas s'attendre à ce que tout ces capitaines aient un minimum de bon sens. Y aurait plutôt fallu que Greg donne des ordres communs au lieu de nous laisser libre de nos actes.
Tant pis, on va faire notre boulot et se barrer comme demandé. Dargal me fera gagner du temps, je le sais.
-Allez les gars on avance ! Je veux que vous me canardiez ces lâches.
Notre pas se fait plus pressé et déjà le petit semblant de formation que nous montrions se brise alors que Nuhada Long John Silver et ses hommes prennent la tête. Mon équipage montrera l'exemple. Dès que je nous estime assez près je lève mon sabre et m'arrête. Mes moucheurs s'agenouillent autour de moi et portent leurs fusil à l'épaule. Je dois en avoir une vingtaine. C'est ptet un petit rien, mais vu qu'on aura les premiers tirs, ça devrait faire la différence.
-Trouez les tous jusqu'aux derniers !
La poudre parle, elle est assourdissante, des nuages de fumés m'entourent un moment et je couvre mon nez délicats pour ne pas en aspirer. En face, des hommes s'effondrent. Une petite ligne, mais c'est joli à voir. D'autre explosions résonnent et je peux voir que des équipages ont suivis notre rythmes et font feu aussi.
Bien bien, les premières lignes ennemis tombent, malgré leurs armure et leurs boucliers. Une balle ne s'arrête pas aussi facilement qu'une flèche, il faudra plus que ces pauvres équipements de seconde main pour les arrêter.
-Rechargez, vite ! Je veux une deuxième salve dans dix secondes.
C'est exagéré bien sûr. Aucun moucheur ne peut recharger aussi vite que ça. L'ennemi le sait aussi et un cor de guerre rugit depuis le campement.
Étrangement, quand c'est l'ennemi qui hurle ça me refroidit un peu. Peut-être parce qu'ils sont au moins trois fois plus nombreux que nous ? Peut-être parce qu'ils le font d'une seule voix ? Peut-être parce qu'en même temps ils se mettent à avancer ?
Non, ce qui me refroidit c'est surtout de voir que lorsqu'ils avancent c'est d'un mouvement fluide et calculé. Si calculé que les fantassins s'écartent et ouvrent des couloirs d'où déboulent des cavaliers.
Des cavaliers dont les armures sont si brillantes que je peux les voir d'ici. Par groupes de trois quatre, sans lances, sur des chevaux aussi munis d'armures.
Des Chevaliers ? J'aurais cru que Feïral ne ferait pas tout de suite appel à eux. Mais peut-être que leurs armures sauront venir à bout des mousquets. Non plus importants, on n'aura sans doute le temps que d'une salve supplémentaire avant qu'ils ne nous arrivent dessus. C'est trop tôt.. l'armée ne s'est pas encore assez éloigné du campement pour qu'on puisse cesser le feu si tôt.
-Plus vite ! Visez les cavaliers ! Répartissez vous les cibles. Les plus proches de moi prennent le cavalier de tête, les extrêmes visent ceux qui le suivent. N'essayez pas d'atteindre les bêtes, même sans armures il vous faudrait plusieurs balles pour les arrêter.
Je débite tout ce qui me passe par la tête en espérant que c'est vrai. Je ne peux pas être sûr que c'est la meilleure action à prendre, mais je n'en vois pas d'autres. Les Chevaliers avaient donc déjà fini leur préparatifs pour prendre part à la bataille ? Nos derniers rapports affirmaient qu'ils n'avaient pas fini de se rassembler. Tssk, j'aimerais savoir d'où Akeraï tient ces fameux rapports.
Les mousquets font feu à nouveau, j'attends que la fumée se dissipe pour m'apercevoir que pas un seul des cavaliers ne s'est arrêté. Les armures de l'Ordre peuvent aussi arrêter des balles ? Il va donc vraiment falloir les battre au corps à corps. Dargal m'a dit un jour que mettre un chevalier à terre était la tactique la plus simple. Le temps qu'il se relève avec sa lourde armure, on peut le frapper juste et bien comme il faut. On va pouvoir vérifier ça.
-Moucheurs en arrière ! Rechargez à l’abri et attendez une ouverture ! Les gars, faites les tomber de cheval, frappez les jambes des canassons s'il le faut, accrochez vous à leurs bottes pour les faire balancer. Ne les laissez pas vous passer sans rien faire !
Mes gars échangent de place et s'échangent des sourires rassurants. Il est vrai que l'on n'a pas encore subit de pertes réelle. Peut-être que nos flancs sont en pleins combat à l’heure qu'il est, mais pour nous tout se passe plutôt bien. Tant mieux, s'ils venaient à perdre espoir, je ne doute pas un instant qu'ils détaleraient sans demander leur reste.
Okay, je vous attends chevaliers.
Je lève mon sabre et fléchis mes genoux. Je pense que quelque soit le combat, être prêt à bondir est toujours une bonne chose. Mais je dois trop m'en faire.. quatre cavaliers contre quatre équipages ? Quatre bonne moitié d'équipage devrais-je dire. Je ne pense pas qu'ils fassent long feu malgré ce qu'on raconte. Qu'ils viennent.
Le premiers cavaliers pénètrent nos rangs comme du beurre. Outre son épée qui fouette l'air dans un sifflement presque chantant, son cheval bouscule et écrase sans ménagement ceux qui veulent s'interposer. Les deux suivants sont moins chanceux. L'un a cru pouvoir me prendre pour cible, ce qui n'est pas toujours très malin si je puis me permettre. Je me suis jeté sur le côté et j'ai entaillé les solides jambes de son destrier. Sa course s'est finie de manière si piteuse et grotesque que j'aurais presque un peu de pitié pour la bête qui se roule de douleur. Son cavalier semble ne pas avoir pu quitter l'étrier et doit subir les sursauts endiablé de sa bête. Je peux voir que le deuxième est tombé de son cheval quand trois hommes se sont emparé qui d'un bras, qui d'une jambe pour le faire tomber de sa selle. Personne ne se fait prier pour frapper les deux malheureux autant qu'ils le peuvent, mais il semble que leurs armures leur évite encore de mourir facilement.
Alors que je cherche le premier d'entre eux, celui qui n'est pas encore tombé de cheval, je peux voir qu'il a aussi fauché quelques uns de nos mousquets et qu'il s'apprête à faire demi-tour pour nous charger à nouveau. Pas question que je le laisse faire. J'ai réussi à en faire tomber un, j'en ferai tomber un deuxième ! Je m'élance pour dépasser les moucheurs et m'interposer sur sa course.. mais j'hésite.. ai-je encore le temps de bondir ? C'est con ce petit instant de doute qui vous tétanise. Du coup c'est sûr que le temps je l'ai plus.. Je ne devrais plus l'avoir du moins, si le cheval ne s'arrêtait pas devant moi.
Que.. quoi ? La chance va jusqu'à influencer les bêtes maintenant ?
-Nuhada Long John Silver ?
Ou juste les abrutis ? Il pense vraiment qu'on peut papoter au milieu d'un champs de bataille ? Enfin.. moi oui si ça peut permettre à mes mousquets de se recharger et de lui tirer dessus. Parce qu'en fait, leurs armures ont pas l'air si efficaces. Je vois bien deux impacts sur son poitrails et un trou laissant échapper du sang au niveau de son épaule. On peut dire qu'ils sont tenaces, ces chevaliers, pour tenir une épée avec une épaule dans cet état.
-Ça se pourrait bien.. C'est pour une demande en mariage ?
Plaisantons, plaisantons, je pense qu'il en a plus après la prime sur ma tête que ma main. Forcément, il préfère reconnaître sa cible avant qu'elle ne se soit perdue au milieu de tous les corps de ces pirates. Soit, la célébrité paye.
-J'aimerais un duel. Juste entre nous.
Un duel.. C'est déjà plus dans mes habitudes, mais si c'était un peu courant de laisser les capitaines s'affronter lors d'une altercation entre deux navires, je n'avais jamais entendu dire que l'on se permettait ce genre de fantaisie dans une guerre à grande échelle.
-Eh ben.. je dis jamais non à un duel.. mais avec votre cheval ça ressemble plus à du deux contre un.
Je m'attendais à ce qu'il me sorte une âneries pour le garder. Vous savez bien, du genre : « le cheval est le prolongement du cavalier. » Mais non.. il est descendu de cheval. En regardant derrière moi, je découvre les moucheurs comme fascinés.. mais je leur fais signe de retourner à leurs occupations. Si on avait moins d'ennemis y aurait pas de mal à profiter du spectacle.. mais là ils ont pas de temps à perdre à regarder. Et encore moins à m'aider. Les fantassins de Feïral vont arriver au contact si on ne fait rien. Sans parler des archers. Ils sont certainement plus nombreux, et ils sont plus rapide à tirer que les mousquets. Quand ils seront à porté... en fait, c'est pour empêcher ça que les Orcs vont débarquer, non ? Alors je ferais mieux de me concentrer sur le chevalier.
-A qui ais-je l'honneur ?
-Duc Herald de Plicène. Ce nom doit vous être familier.
-Ah.. euh.. vraiment ?
-Mon père était capitaine dans la flotte de Feïral lors de vos débuts. C'est votre sabre qui a mit fin à sa carrière.
Ah.. donc en fait il en avait après moi pour des raisons personnelles ? S'il est pas chanceux de m'être tombé dessus..
-Bon.. si on y allait ?
Je lève mon sabre, fléchit mes genoux. On y retourne. L'armure va être problématique, mais si les balles marchent, j'ai toujours mes deux pistolets prêts à servir. J'aimerais cependant les garder au cas où.. Le chevalier lève sa lourde épée et charge sans plus de manières.
Non vraiment.. je n'ai pas de temps à perdre avec lui. Je me redresse et prend un pistolet de ma main libre. Une détonation plus tard et le chevalier s'écroule avec un trou dans son casque. J'aurais vraiment voulu la jouer plus réglo, mais c'était déjà désavantageux qu'il porte une telle armure. Si on prend en compte que l'armée pirate n'a pas l'ombre d'une chance contre Feïral, je pense que l'on doit utiliser toutes les cartes que l'on a tout de suite.
-J'espère que tu n'as pas un fils aussi rancunier..
Je m'en retourne vers mes hommes. Ils semblent en avoir fini avec leurs chevaliers, non pas sans pertes, et plutôt lourdes vu le nombre d'hommes qu'il me reste ici. Autour de nous, je peux voir que les autres équipages ne sont pas nombreux à avoir aussi bien travaillé. À ce rythme ça va nous retomber dessus. Mais on a fait notre boulot, pas vrai ? Les fantassins sont déjà bien avancés, les Orcs doivent déjà être en train de saccager le campement. Alors pourquoi Greg n'a pas lancé la retraite ?
-Putain de chacal, tu t'amuses tant que ça ici ? On va finir par tous y passer..
De toute façon j'en ai ma claque. J'ai fait mon boulot, je me barre, voilà.
« Retraite ! Ordonnez la retraite ! »
Mes gars se font pas prier. Ils reculent en hurlant aux autres de se barrer aussi. Mais je ne vois mon Dargalounet nulle part. Forcément, il est parti renforcer le flanc droit. Vu les difficultés qu'encourent les différents équipages, je doute que l'ordre parvienne jusqu'à lui. Et s'il ne sait pas qu'il vient de moi, ça risque de lui prendre un moment avant d'accepter de partir. Pas le choix, je vais le chercher.
Que c'est mal foutu la guerre. Non mais vraiment, les champs de bataille sont trop grands. On est très loin d'un navire ou deux. Au moins, sur mer, il y a des limites, on sait sur quoi on doit se concentrer, on sait sur quoi on peut s'appuyer. Et surtout, ça fait moins de monde à gérer.
Voyant que je ne me dirige pas vers les navires, une dizaine de gars me rattrapent et me suivent. Leur fidélité va me faire fondre.. en fait je vais peut-être finir par transformer ces navires en harems. Ça vaudrait le coup vous ne pensez pas ? Enfin niveau physique c'est pas trop ça.. leur fidélité me suffira pour le moment.
Nous traversons le champs de bataille aussi vite que nous le pouvons, ignorant autant que possible les ennemis comme les dits alliés qui s'affrontent. Les chevaliers commencent à être rejoints par d'autres hommes et, plus nous nous approchons de l'extrémité du flanc droit, de cavaliers aux couleurs de Feïral. Semblerait que ce soit une grosse mêlée et que les pirates du coin soient dans la merde. Pas la peine de leur redonner l'ordre de retraite. Le simple fait de tourner le dos causerait leur mort.
Par ailleurs, je commence à douter de nos chances de nous en sortir si nous poursuivons par là, mais la haute silhouette de mon Dargal m'enlève tout doute. Il est encore là, à se battre contre des hommes, avec d'autres hommes, mais qui que soit ces êtres autour de lui, il reste le plus impressionnant. Sa hache frappe sans relâche et il ne fatigue pas. Si ses gestes sont puissants, ils semblent assez fluides pour enchaîner les assauts et faire tomber chevaux, homme, et projeter les chevaliers au loin. Cet Orc est une forteresse à lui tout seul. Un élan de fierté infini éclate dans ma poitrine. Cet Orc est celui qui m'a élevée. Cet Orc m'accompagne depuis presque l'ensemble de ma vie. Cet Orc, c'est le mien et celui de personne d'autre.
Je redouble d'effort dans ma course pour le rejoindre. Dès que je l'aurais on pourra fiche le camps de ce trou à rats. J'sais qu'il va râler qu'il peut encore en tuer pleins, mais il obéira, il obéit toujours.
Je m'arrête à une vingtaine de pas de lui. Sa peau n'était-elle pas verte ? J'ai l'impression qu'elle s'est repeinte de rouge. J'approche doucement et me rend compte qu'un seul de ses bras tient la hache. L'autre et ballant le long de son corps. Une flèche dépasse de son épaule, une entaille affreuse se détache sur son flanc. Ce ne sont pas les seules blessures. Mais c'est pas grave, hein ? Si on s'en va le doc' va pouvoir le soigner. Au pire on a un sorcier pour lui donner un coup de pouce. Même wyl devrait avoir quelques astuces. Il faut que je le ramène.
« Allez les gars, on récupère le Second ! »
Ils me grognent leur assentiment. Eux aussi semblent troublés de découvrir toutes les blessures du patron. Durant tout ces abordages, il n'avait jamais été aussi gravement touché. Mais ce n'est qu'une raison de plus pour lui prêter main forte. Nous avançons résolument et Dargal se retourne vers nous en entendant notre course. Depuis que je le connais, je n'ai jamais vu autant de joie sur son visage. Il soulève sa hache au dessus de sa tête et pousse un rugissement à mon intention. Voilà que mon Orc fait le beau sur un champs de bataille. Vraiment..
Un cavalier déboule derrière lui. Son armure est imposante et scintillante. Ses deux mains soulèvent une hache brillante et pas loin d’être aussi grosse que celle de Dargal. Ce dernier a tout juste le temps de faire face avant que le coup ne soit porté.
Le corps si puissant de mon second tremble mais il a réussi à stopper la hache ennemie. Emporté par la course de son cheval et n'ayant pas pensé à lâcher son arme, le chevalier tombe au sol. Bien fait ! T'as cru pouvoir avoir mon Dargal? Je m'élance pour lui faire payer son affront, mais d'autres cavaliers portant la même armures approchent.
Tss.. on aura tout le temps de leur cracher dessus lorsque les Orcs leurs seront tombés dessus. J'attrape le gros bras de mon Dargal et tire dessus pour lui intimer la retraite.
L'orc bascule en arrière et s'effondre sur le dos. La hache plantée dans sa poitrine de toute sa lame. Il tousse et du sang jailli de sa grosse gueule effrayante. Je ne sais pas quoi penser.. Il a survécu à toute ces blessures jusque là, une de plus n'est rien, pas vrai ?
« Dargal.. lève toi ! Il faut qu'on y aille.. »
Sa respiration si bruyante émet des gargouillis inquiétants alors que plus de sang jaillit de sa gorge. Respirer lui a l'air si difficile que je tombe à genoux et redresse sa grosse tête. Est-ce que ça peut seulement l'aider ? J'en sais fichtre rien.. mais il faut qu'il reprenne son souffle pour qu'on foute le camp.
- Nu..da..
-On a pas le temps de parler. Faut que tu te lèves. Allez !
-Fo.. for..
-Lève toi ! C'est un ordre bon sang !
-For.. ce..
-Force et Honneur. Je sais, tu t’es bien battu. Maintenant on rentre, vient.
Sa tête est si lourde.. sa respiration est si silencieuse. Pourtant ses yeux me regardent.. n'est-ce pas ? Il est encore là, hein ?
-Cap'tain ! Courrez !
Non mais ils se prennent pour qui eux ? Ils voient pas que je dois d'abord relever Dargal ? Il y en a même un qui m'attrape le bras et tire dessus. Je me dégage avec force et émet un de ces grognements que Dargal m'a appris. Il me regarde abasourdit, mais aussi terrifié. Il hésite et puis.. ils court. Avec les autres. Ils s'enfuient tous.
Qu'ils foutent le camps ! Je n'ai besoin que de Dargal. Il va se relever et ensemble on va rejoindre le navire. Pas vrai ?
-Dargal.. lève toi.. allez !
Je ne crois pas l'avoir supplié depuis au moins une dizaine d’années maintenant. Quand j'étais gamine et que je lui désignais ce que je voulais. Quand je ne m'étais pas encore rendue compte qu'il obéirait à chacun de mes ordres, qu'il m'avait offert sa vie et son honneur.
-S'il te plaît.. lève toi..
Mais il n'obéit plus. Quoi que je fasse, quel que soit le nombre de larmes qui s'écrasent sur sa tête d'orc. Quelle que soit la force des coups que je donne sur sa poitrine.
Le monde m'a l'air d'avoir disparu. Comme si une bulle s'était formée autour de moi. Quelques échos lointains m'atteignent cependant. Comme le bruit des sabots..
Et puis la hache se retire du corps de Dargal, d'un coup sec et laissant béante la blessure dont il n'a définitivement pas pu réchapper. Je lève un regard perdu et rougie par les larmes vers le chevalier qui a récupéré son arme. Il est grand, bien plus que celui que j'ai tué plus tôt. Une longue chevelure sombre dépasse de son casque trop brillant. Sa hache, du même acier, est encore assombrie du sang de Dargal.
La rage me parcourt et je me jette sur lui, décidée à ruer de coup cet enfoiré. Son lourd gantelet s'abat implacablement sur ma joue et me renvoie à la boue d'un sol gorgé de sang. Pourquoi suis-je si faible ? Comment je suis censée venger mon Orc dans cet état?
-Rends toi gentiment, je n'ai pas pour habitude de tuer les femmes.
Une femme ? Je suis Nuhada putain ! Qu'est-ce que j'en ai à foutre de ce que tu penses des femmes ?
Je prends mon pistolet en main et le pointe sur lui. J'ai encore assez de lucidité pour savoir lequel est chargé et c’est une bonne chose.
Il soupire et passe devant moi sans même y prendre garde.
-Je te laisse t'en occuper Lucian.
-Commandeur, vous ne devriez pas tourner le dos à une arme à feu, vous savez?
Est-ce qu'il est en train de m'ignorer ? Est-ce qu'il ne me considère même pas comme la plus petite menace qui soit ? Est-ce qu'il se fout de moi ?
-Je doute qu'elle veuille me tuer aussi facilement. Prends garde Lucian, elle pourrait se révéler un adversaire difficile.
-Je ne demande que ça, vous le savez.
Mais regarde moi quand je te menace.. Ne rends pas ma vengeance si minable..
Je finis par baisser mon arme alors que le chevalier s'éloigne. Je ne peux pas le laisser mourir d'une pauvre balle. C'est Dargal que je veux venger.. C'est un Orc puissant et honorable ! Pas un simple membre d'équipage. Une vie ne suffit pas. C'est l'homme tout entier que je veux briser.
Le commandeur.. Je vais détruire toute part de son existence. Sa chair, ses os, son esprit, son âme. Tout, tout doit être piétiné, arraché, déchiqueté, massacré. Je veux qu'il tienne au creux de ma main, tout diminué et suppliant qu'il finira. Et alors, seulement alors, il aura droit à la mort.
Oui.. c'est ça.. c'est l'état d'esprit. Je reprends mon sabre et me lève. Je vais commencer tout de suite. Mais la fine lame d'une rapière pique mon cou.
-J'ai bien peur que votre adversaire ne soit ici.
A l'autre bout de la lame, je découvre un autre genre de chevalier. Un elfe sans casque et qui ne porte que quelques bout épars d'armure. La sienne est bien plus fine, son physique n'est en rien comparable à celui du puissant homme qui a terrassé mon Dargal.
Un sous-fifre qui s'interpose dans ma vengeance. Le regard que je lui porte est chargé de tout le mépris et la haine que je peux produire. Si je pouvais en faire un venin, alors ces plaines ne pourraient plus jamais porter le moindre brin de vie, et ce malgré tout le sang qu'elles ont pu engloutir. Mais il garde un visage froid et indifférent. Cet elfe me semble en tout point opposé à Wyl et je n'en tire que plus d'animosité à son égard.
-Les choses sont simples. Soit vous déposez les armes, soit je vous accorde un dernier droit à vous défendre. Mais je doute de pouvoir perdre contre vous.
Je lève mon pistolet et appuis sur la gâchette. Arrêtez donc de me faire perdre mon temps avec vos conneries. J'ai déjà un commandeur à détruire. Contre toute attente, ma balle ne dû pas toucher plus que quelques cheveux. La rapidité avec laquelle il s'est écarté de la trajectoire du canon me laisse quelque peu stupéfaite. De plus il se permet deux pas en arrière, abandonnant ma gorge pour se mettre en garde.
-Je crois que votre réponse est claire. Finissons en vite alors.
Je jette mon pistolet et lève mon sabre. La colère ne m'a pas quittée, mais pour ce combat au moins je vais la mettre de côté. Cet elfe n'est pas à prendre à la légère et il semble que ma vie soit sérieusement en danger cette fois. Je n'ai plus de balle, je n'aurais pas dû la gâcher sur ce premier chevalier. Maintenant, seul le sabre me sauvera. Je le lève devant moi et fléchis les jambes.
Nos regards se croisent un instant.. et sa rapière fend l'air vers ma gorge. Je repousse l'attaque et tente un coup de pied, mais il s'est déjà décalé et sa rapière frappe à nouveau. Je me contorsionne pour éviter de me faire transpercer la joue et m'écarte précipitamment. Il ne me laisse pas cette chance de me reprendre. La rapière frappe alors qu'il fait un pas. J'esquive de justesse, mais un autre coup part tout de suite que je repousse du sabre. Je fais un pas en arrière, cherchant mon équilibre, il en fait un en avant et attaque à nouveau.
La vitesses de ses mouvements n'est en rien comparable à la mienne, son pied semble toujours assuré, qu'il se pose sur un cadavre ou sur le sol, son regard ne perd jamais le mien. Quoique je veuille tenter, sa rapière m'aura piqué avant. Coincée sur la défensive, je sens la panique me saisir. Je ne suis pas de taille, je ne sais même pas par quelle chance insolente je peux encore éviter ses attaques. Je réagis plus à l’instinct que par réelles intentions, ses coups ne me sont qu'à peine visibles.
Finalement, je fais un faux pas. Mon talon butte sur un cadavre, et je tombe à la renverse. Je n'ai que le temps de voir un éclat briller avant que la douleur ne me paralyse le cerveau.
Je pense que je cris.. je suis sûre d'être au sol et d'avoir lâché mon sabre. J'ai besoin de mes main pour .. pour endiguer la douleur ? Comment le pourraient-elles ? J'ai si mal.. mon œil.. merde mon œil putain !
Mais je n'ai pas le temps.. je suis en train de me battre. Une petite douleur à l'oeil ne doit pas m'arrêter. Le doc va me.. merde.. j'arrive pas à me résoudre à l'ouvrir tant j'ai mal. Tant pis, le gauche va suffire. L'enfoiré, il me regarde de haut.. si j'avais pas trébuché..
Sa lame m’aurait transpercée. J'aurais pas pu échapper à celle la si j'avais pas perdu l'équilibre. Aaaah... est-ce qu'il me l'a définitivement percé ? Non non. Je ne veux pas finir borgne.. je ne veux pas mourir non plus. Je le vois qui s'apprête à m'achever.. ça peut pas finir comme ça pas vrai ? Lyra va venir.. ou darg... non putain, y a plus personne. Je vais mourir comme ça ?
Non. Je ne mourrai pas. Ma vengeance, mes rêves. Ce n'est pas fini..
« Non, ce n'est pas fini. »
L'elfe tombe à genou. Je peux voir que mon sabre est planté dans son cœur, jusqu'à la garde.
C'est pas possible.. c'est pas possible. Je n'ai pas pu porter une attaque.. je.
« Ceci est de mon fait. »
Quelle est cette voix. Quelle est cette voix à la fin ? Elle semble douce, mais si froide. Elle semble lointaine et pourtant distincte. Elle semble forte, si forte..
Mais qui ?
Une main caresse ma joue. Une main glaciale mais alors qu'elle me touche la douleur m'abandonne. La haine aussi, la moindre pensée m'abandonne. Une main me touche, et cette main est tout. Presque tout. Il y a aussi un visage qui m'observe. Un visage pâle mais beau, terriblement beau malgré ses yeux trop étranges qui me font trembler. La main glisse derrière ma nuque et me redresse, niche mon visage contre son sein. C'est froid, mais c'est reposant, entêtant.
« J'ai entendu ta détresse, Nuhada. Je t'ai toujours observée, tu m'as toujours surprise, je t'ai toujours aimée. »
Chaque mot qu’elle prononce est comme une berceuse et chacun me frappe comme un compliment. Je pensais être vidée de toute pensée, mais je me sens fière maintenant, fière et heureuse qu'elle me connaisse, qu'elle me porte tant d'attention. Des larmes pures de gratitudes coulent de mon œil gauche. Un filet continu de sang tâche ma joue droite. Et ses yeux étranges, si sombres, m'observent.
« J'ai vu ta douleur, Nuhada et t'ai prise en pitié. Toi qui a courroucé le destin, toi qui a défié le monde et ses dieux, toi qui devait tomber aujourd'hui, tu es la cible de mon entière compassion. »
Ma gorge se tord en sanglots. Je me reconnais dans chacun de ses mots comme si elle m'avait racontée toute entière et j'y perçois la plus grande tragédie que les dieux aient pu créer. Une tragédie monstrueuse et cruelle, pleine d'espoirs et de rêves irrémédiablement destinés à être brisés. Une injustice immonde et répugnante.
« Je suis là, Nuhada. Je te sauverai, toi et tes rêves, toi et tes désirs, toi et toi seule ma Nuhada. »
Sauve moi.. Sauve moi qui que tu sois.. j'ai besoin de toi.
« Deviens mienne, toute entière mienne, de corps... et d'âme. »
A son dernier mot, je me surprend à la rejeter de toute mes forces. La douleur me saisit à nouveau, d'un coup et plus intense encore, comme pour rattraper le temps où je lui avais échappée. Je tombe à quatre pattes sur le sol et découvre de mon dernier œil valide que mon ombre me regarde. Elle a des yeux rouges effrayant, mais quand ils me regardent je ne peux plus leur échapper.
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Et je me réveille en sursaut.
Quelqu'un est là, je le sais je le sens. Je le savais avant de me réveiller et ça m'a tirée de mes rêves.
Je n'ai pas à chercher longtemps, une femme se tient là dans ma cabine. Sa peau est si blanche et pâle qu'elle tâche la nuit comme une ombre l'aurait fait du jour. S'il n'y avait que ça. Ses yeux sont des puits de lumière argentés, sa chevelure est d'un blanc éclatant presque lumineux. Elle est belle, si diablement belle que j'en ai un moment le visage qui chauffe. Mais la longue lame fine et étrangement courbée qu'elle tient en main me refroidit bien vite.
Elle ne semble pas vouloir me tuer. En fait elle semble aussi immobile qu'une statue. Je me redresse doucement et cherche des yeux mes pistolets. Ils sont trop loin, il faudra compter sans..
-Comment es-tu arrivée ici ?
-Je suis entrée par là, me répond-t-elle en pointant le doigt vers la mince et étroite fenêtre qui perce la coque. J'aurais mis ma main à couper que pas un gnome n’aurait pu passer par là. Alors une femme de cette carrure.. non impossible.
-Tu es bien fine, mais je doute que tu puisse te faufiler par là
-C'est pourtant par là que je suis entrée
Je n'insiste pas plus, il y a plus urgent à traiter sur le moment.
-Tu me veux quelque chose peut-être ? Ou bien mon visage endormi t'intéresse ?
J'aurais bien aimé qu'une quelconque réaction s'affiche sur son visage, mais ni amusement ni mépris, à proprement parler rien, ne semble vouloir le faire.
-J'apporte un message des dieux
Je ricane en entendant ces absurdités. Elle ne fronce même pas un sourcil face à ma réaction mais soit ! Cela m'amuse alors je décide de la piquer encore un peu.
-Tu entends donc les dieux, qu'es-tu, un oracle ? Une prêtresse ? Une sainte ?
Quoi que je dise, elle ne semble pas vouloir réagir le moins du monde. Son visage n'a qu'une seule et unique facette et je m'en suis déjà lassée.
-Je suis une déesse.
Je pense que seule une folle est capable de pénétrer mon navire à l'insu de mon équipage, alors qu'elle se prenne pour une déesse tant qu'on y est. Je prends le temps de m'asseoir sur le bord du lit, ce qui est quand même plus confortable qu'à moitié allongée, avant de lui adresser davantage la parole. Enfin, je l'aurai sans doute fait si mes pieds ne venaient pas de rencontrer une petite chose poilue qui chatouille. Le couinement qui s'élève me pousse à relever les jambes et je découvres une boule de poil munie d'un museau et de petits yeux jaunes brillants.
Adorable, je m'en saisis et le lève devant mon visage. C'est un loup, un louveteau tout noir sans le moindre croc. Il me semble loin d'être une menace alors je le pose sur mes genoux où il accepte gentiment de se lover. La dite déesse n'a toujours pas bougé et ne semble pas s'inquiéter que j'accorde plus d'importance à une bestiole perdue qu'à sa dernière révélation. Puisqu'elle semble vouloir me dire quelque chose, peut-être que l'on en finira plus vite si je coopère gentiment.
-Bon, soit. Tu es une déesse, et que veulent me dire les tiens?
-Voilà ce que les dieux m'ont demandé de te rapporter :
Lorsque tu ne pourras plus dormir que d'un œil, l'âme déchirée et l'esprit brisée, tu la rencontreras.
J'attends patiemment, mais elle ne semble pas vouloir en dire plus, je l'interroge alors.
-Et donc ? Elle c'est qui ? Elle me voudra quoi ?
Pour la première fois, elle bouge sa tête, en plus de sa bouche, pour la secouer de droite à gauche, agitant sa chevelure d'un étrange élan hypnotique. Je me demande finalement de quelle déesse il s'agit, mais il est peut-être un peu tard pour s'en inquiéter car elle me répond déjà.
-Tu ne dois en savoir plus. Ceci est une mise en garde, n'écoute aucun de ses mots si tu veux échapper à notre courroux.
Son ton m'irrite au plus haut point et je lui retourne sa menace sans hésiter.
-Toi, prends garde ! Déesse ou pas, je pense toujours pouvoir te loger une balle dans le front !
Un grognement sourd noie la fin de ma phrase et il me faut un moment pour comprendre qu'il vient de mes genoux. La boule de poil si adorable semble soudain avoir des crocs démesurés qu'elle me montre sans plus la moindre trace de mignonnerie. Je regrette de l'avoir ramassé, c'est mon élan d'arrogance qui m'a empêché de considérer qu'elle puisse être autre chose qu'une petite peluche sans danger. La voix de la déesse s'élève à nouveau.
-C'est par la clémence des dieux que tu vis encore. Si tu viens à aller contre leur parole, tu seras la proie de leur courroux.
Me parlant elle désigne le louveteau qui tient maintenant plus du loup alors qu'il grandit et s’appesantit sur moi. Ses pattes avant s'appuient sur mon épaule et son poids suffit à me clouer au lit. J'ai peur, de ses crocs trop blancs qui se détachent de sa fourrure plus sombre que la nuit. J'ai honte d'être effrayée, mais jamais la mort ne m'a semblé aussi inévitable et stupide qu'aujourd'hui. Ma chance, ô ma célèbre chance, m'as-tu abandonnée ? Sont-ce vraiment des dieux, pour que même toi tu ne leur opposes pas de résistance ?
-Il sera le gardien de ta bonne foi et ton bourreau, suivant ton ombre jusqu'à ce que l'heure du jugement arrive.
Soudain, le loup commence à disparaître, jusqu'à ce que ses deux yeux rouges se fassent engloutir par la nuit. J'expire longuement et me dit que je ne devrais plus menacer, ni même défier les dieux à l'avenir. Mais dès lors que je me redresse, la pointe de la lame de la déesse se plante dans mon œil droit.
Je reste abasourdie. D'abord parce que je ne ressens aucune douleur. Ensuite parce que je sens qu'une magie quelconque opère en moi.
-Sache cette dernière chose mortelle. Si tu t'en remets aux dieux, tu retrouveras cet œil que tu as perdu..
-Mais je n'ai..
-Mais rien d'autre ne pourra t'être rendu.
Je n'arrive plus à parler, ma tête me semble incroyablement lourde. C'est comme si le sommeil voulait s'emparer de moi.
-Jusqu'à ce que ce jour vienne, tu oubliera tout de cette nuit. Alors, quand ta mémoire sera revenue et seulement alors, tu pourras faire ton choix.
Je tombe à nouveau sur mon lit et m'endort instantanément.
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Ce sont les souvenirs que me rendent les yeux rouges de mon ombre. Et j'ai à nouveau mal. Je relève le regard vers la femme si belle et bienveillante qui me tenait contre elle plus tôt. Pourquoi l'ai-je repoussée, sans elle je souffre tellement.
Mais elle ne revient pas me chercher. Son regard est fixé sur mon ombre et semble craindre de l’approcher.
« Ils m'ont donc devancés. Choisis mortelle, choisis ce que tu désires alors. Suivre ces dieux qui t'ont imposée tant d'épreuves et de douleur, ou me rejoindre, moi qui t'épargnerais tout cela à l'avenir. N'ait aucune crainte de ce qui se cache dans ton ombre, je saurais t'en protéger. Choisis de ton plein grès, choisis avec ton cœur. »
Je ne comprends pas tout, j'ai l'esprit embrumé par trop de choses.
Mon œil.. les dieux me le rendront..
-Tu as dit que tu me sauverais..
« Je le ferais. »
-Dargal.. Mon orc..
« Avec moi, tu le vengeras. »
-Mon..oeil ?
« Je t'en offrirais un autre, qui te servira beaucoup mieux. »
Elle a tellement plus à m'offrir que les dieux. Mais l'ombre me regarde toujours de ses yeux sanglants. Et puis.. j'ai assez négociédans ma vie pour que la question vienne d'elle même.
-Quel est le prix ? Quel est le piège ?
« Tu seras mienne, corps et âme. Lorsque tu ne pourras plus résider en ce monde, tu rejoindras le mien, ainsi que tous tes suivants. »
-Je ne comprends pas.. ce monde c'est.. c'est trop compliqué ! J'ai mal, fait quelque chose.
« Seras tu mienne ? »
C'est moi qui possède.. c'est moi qui dirige. Mais plus je souffre, plus je repense à ce bien être que j'avais à son contact. Les dieux savaient que tout cela allait arriver. Ils savaient et ils attendaient de moi que je les serve.. pourtant ils ne m'ont rien offert. Ils ont réclamé et m'ont jetée à mon destin.
Quitte à appartenir à quelqu'un, je préfère encore l'avoir choisi.
-Je suis tienne..
Mon ombre s'ouvrit autour de moi, comme une gueule béante bardée de crocs. La peur qui me saisi parvient à chasser la douleur qui m'étreint. Je me suis finalement encore opposée aux dieux et je vais en payer le prix.
La mâchoire ne se referme pas. Elle semble ne pas vouloir déchiqueter le corps de la si belle dame qui m'enlace à présent. Je n'ai plus mal, je n'ai plus peur, je n'ai plus de doute. Alors qu'elle me relève, je sais que j'ai fait le seul choix qui valait le coup.
Son regard ne me paraît plus si étrange. Je le trouve au contraire bien plus attirant, comme s'il m'absorbait entièrement en lui. Sans que je m'en rende compte, nos lèvres se sont frôlées et mon corps s'est électrisé.
-Je suis tienne, m'entendis-je répéter d'une misérable voix hésitante et tremblotante. Corps et âme, je suis tienne.
Le froid de son contact m'enveloppe comme un voile de soie. Je frissonne alors qu'un immense et long soupir s'échappe d'entre mes lèvres pour se faufiler entre celles de la dame. Je me sens légère et pourtant j'ai l'impression que je m'écroulerais si son bras ne me retenait pas. Une part de moi s'enfuit, je le sens, une part de moi disparaît. Mais au lieu de laisser un vide, c'est un sentiment plaisant qui la remplace. C'est du pouvoir qui m'emplit.
L'ombre s'agite et finit par reprendre la forme que la nature lui voulait. Finit les yeux rougeoyant, c'est finalement le petit louveteau qui se retrouve sur le sol, l'air aussi adorable que perdu.
La dame finit par s'écarter de moi, mais je la retiens instinctivement, effrayée d'être à nouveau soumise à la douleur.. et aussi.. j'ai honte de l'avouer, terriblement honte.. désireuse de rester près d'elle, de la toucher un peu plus. Mais elle rit et saisit ma main dans la sienne pour me faire la lâcher, tout doucement.
Je n'ai plus mal. Je me rend même compte que je peux ouvrir mon œil et que j'y vois. J'en reste ébahie et le rire de la dame se déploie avec plus de force. De petit et timide il devient puissant et arrogant, étrange et fou. Mais son rire me paraît plus pur que tous les sons que j'ai pu entendre sur l'océan.
Je suis celle qui la fait rire et mon cœur en est brûlant de joie.
Enfin, elle se baisse pour attraper le louveteau par la peau du cou et le porter à son visage.
« Mon pauvre ami, mon tendre amour, voilà le sort qu'ils vous ont réservé alors que pour eux vous m'avez trahie ? Vous n'avez rien pu contre père, vous ne pourrez rien contre moi. Mais je saurais vous achever, je saurais vous rééduquer. »
Elle lui parle avec un ton doux et empli d'émotions. Au vu de l'affection que je porte à la dame, et que je commence à envisager comme de l'amour, je pensais devoir ressentir de la jalousie. Il n'en est rien. Elle l'affectionne et pour cela j'affectionne aussi ce louveteau.
« Nuhada, ma chère Nuhada. Je te le confie, cet immortel imparfait, ce démon enchaîné, cet être passionné. Élève le comme tu as élevé chaque membre de ton équipage. Offre lui tes espoirs et tes désirs, dirige le avec affection et fermeté. Ainsi, un jour, nous pourrons l'accueillir parmi nous. »
Alors qu'elle dit cela, elle le dépose entre mes bras, si petit et si fragile qu'il est. J'en ferais un de mes compagnons, un membre de mon équipage. Mais mon cœur se serre à cette pensée et un mot franchit mes lèvres.
-Dargal..
La dame me sourit et saisit mes joues entre ses mains. Je suis incapable de réagir et je me sens bien piteuse quand ses lèvres prennent tendrement les miennes. J'ai cette terrible impression de n'être qu'une débutante, que le baiser que je lui retourne est ridicule. Pourtant, je crois pouvoir me vanter d'avoir de l'expérience dans ce domaine. Quand ses lèvres me quittent, je m'en sens quelque peu chamboulée.
« Désormais, personne ne pourra plus te quitter contre ton désir. Appelle le et il viendra. »
-Dargal ?
A ce nom, je vis un corps s'agiter, puis se dresser. Sa stature est imposante et musculeuse comme je n'en connais qu'une. Il avance d'un démarche malaisée, mais il se dirige assurément vers moi. Ses plaies sont toujours là, sa blessure ô combien mortelle aussi. Pourtant, il bouge. Son regard se pose sur moi. Sa grosse main se tend pour frôler ma joue.
-Nu..da..
Cette chose n'est pas mon Dargal, je le sais ! Non.. c'est Dargal. C'est bien lui.
Revenu du royaume des morts.
« Va mon enfant, munis de mon œil, de mes pouvoirs et de mon amant. Va vivre tes désirs pleinement. Va et parcourt cette terre en mon nom. Fais savoir au monde que tu es l'apôtre de Nethrym »